L'avenir radieux du Victoria and Albert Museum Hervé de Saint Hilaire Le Figaro, 18 gennaio 2005
Fondé en 1856, le Victoria and Albert Museum de Londres est l'un des musées les plus chatoyants de la planète. On dit parfois qu'il contient le monde entier, un peu comme l'Aleph du conte de Borges. Sculptures, toiles de grands maîtres, porcelaines, céramiques, dessins, mobilier, machines, textiles, verre, métal, photographie, quelque quatre millions de pièces de tous les continents et de toutes les époques témoignent ici de l'inépuisable génie créatif des hommes. Cette extraordinaire diversité fut voulue par le prince Albert, mari de la reine Victoria, dans le but d'édifier, d'instruire et d'émerveiller le grand public mais aussi de stimuler les artistes et d'encourager les industriels.
Le directeur (nommé en mai 2001), l'élégant et énergique Mark Jones, 53 ans, tient beaucoup à cette tradition de pédagogie enchantée. Mais une tradition véritable n'est jamais immobile. Et Mark Jones (qui est aussi un éminent spécialiste des médailles Louis XIV) pense à l'avenir et supervise les «Grands Projets» («Future Plans») qui, dans les dix années à venir, devraient apporter quelques modifications d'importance. «C'est la première grande opération de modifications du musée depuis 1908 commente-t-il. Nous allons surtout travailler sur une meilleure lisibilité, un accueil plus efficace, des services améliorés, une utilisation des nouvelles technologies plus importante et un effort pour exposer des collections qui n'étaient plus accessibles au public.»
Les métamorphoses, «qui se dérouleront tout en douceur» précise le directeur, ont déjà commencé. Depuis l'arrivée de Mark Jones le musée a, par exemple, achevé l'ouverture des magnifiques (et très éducatives puisqu'on peut aussi s'initier à l'ébénisterie du XVIIIe ou aux techniques de la tapisserie ou de la serrurerie anciennes) «British Galleries», qui évoquent l'histoire culturelle, artistique et sociale de la Grande-Bretagne du XVIe au début du XXe siècle. Les nouvelles salles de Recherche et d'Archives (un million de dessins et de manuscrits et l'une des plus importantes sources documentaires au monde pour les architectes) viennent également tout juste d'ouvrir, ainsi qu'une galerie du métal et une galerie du verre contemporain.
Il semblerait que les changements soient les bienvenus. Depuis l'ouverture, en novembre 2001, des British Galleries, opération largement financée par l'Heritage Lottery Fund (la loterie anglaise qui a des obligations de mécénat), la fréquentation du musée a augmenté de plus de 100% pour arriver à un chiffre qui réjouit beaucoup Mark Jones : en 2003-2004, le V & A a accueilli 2 740 000 visiteurs et le musée – point essentiel aux yeux du directeur – est revenu à la gratuité des visites pour les expositions permanentes, comme dans tous les musées de Londres, exemplaire exception culturelle britannique.
Les Grands Projets sont nombreux et ambitieux. Au centre du bâtiment le paysagiste Kim Wilkie a dessiné un jardin très élégant entouré d'un cloître qui sera achevé en juin prochain. En juin 2006, s'ouvrira la Jameel Gallery of Islamic Art qui abritera 10 000 pièces illustrant le développement de l'art islamique depuis les origines. Le musée prévoit également, pour 2008, une somptueuse galerie des Bijoux, qui figurera sans doute parmi la plus fastueuse du monde avec ses 5 000 joyaux, ses bijoux Hippopotames en or de l'Egypte ancienne, ceux des cours de la Grande Catherine ou de Napoléon (avec les fameuses émeraudes Beauharnais) et des pièces exceptionnelles de créateurs contemporains. A noter aussi, prévues pour mai de cette année, l'ouverture d'une galerie d'Art sacré et d'Art du Vitrail et, un projet particulièrement ambitieux, l'inauguration en 2009 de neuf salles consacrées au Moyen Âge et à la Renaissance. Avec, là aussi, des pièces de tout premier ordre. La liste est longue des innovations à venir soutenues essentiellement par des fonds et des dons privés. Le budget de ces Grands Projets s'élève à 75 millions de livres sterling (113 millions d'euros) dont 30 M£ (45 M€) ont déjà été collectés.
Mais le dynamisme ne s'arrête pas là. «Un grand musée d'aujourd'hui doit impérativement être animé, interactif», commente Mark Jones qui aime le passé comme tous les Anglais, mais reste très convaincu des vertus des nouvelles technologies, de l'importance d'Internet, de l'ouverture à l'extérieur (l'installation d'une annexe du musée à Hongkong est à l'étude). «On doit pouvoir contempler des merveilles, mais aussi se distraire (nous accueillons régulièrement de grands défilés de mode – l'intérêt pour la mode est une tradition du musée), se promener, se reposer, se nourrir et converser. Il était temps de dépoussiérer un peu notre vénérable musée.»
Autre activité importante du V & A, les grandes expositions qui connaissent parfois des succès considérables comme «Art déco» en 2003 qui avait attiré 360 000 visiteurs. Signalons, entre autres manifestations à venir : en 2006, «La Renaissance de l'intérieur : art et vie quotidienne en Italie au XVe siècle», un prometteur «Léonard de Vinci : expérience, expérimentation et design» et, en 2007, une exposition sur l'influence du surréalisme sur le design contemporain. Le V & A, on le voit, va retrouver une nouvelle vigueur, sans rien perdre de son charme de toujours qui tient à deux dispositions toutes britanniques : l'amour de la promenade et la curiosité des mondes.
Victoria and Albert Museum. Cromwell Road, South Kensington London SW7 2RL. Métro : South Kensington. Tél. : + 44.20.7.942.200. www.vam.ac.uk Ouvert chaque jour de 10 heures à 17 h 45. Nocturnes jusqu'à 22 heures tous les mercredis et chaque dernier vendredi du mois. A noter que la gratuité ne s'applique pas aux expositions temporaires.
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