France. Paca ausculte ses 2 184 monuments Anne-Marie Romero Le Figaro, 31 dicembre 2005
Chargée désormais de l'ensemble des bâtiments protégés de la région, l'ex-Agence du patrimoine antique publie la première analyse de leur impact social et touristique.
«VAISON-LA-ROMAINE, 5 000 habitants, 100 000 visiteurs par an, s'est vu refuser des audioguides pour les visiteurs. A Avignon, le Palais des papes, qui reçoit 600 000 visiteurs chaque année, ne montre que 40% du monument. Et dans cette ville, qui possède le plus beau patrimoine médiéval du monde avec les remparts, le palais, le pont Saint-Bénézet, la tour Philippe-le-Bel, la Chartreuse, le fort Saint-André, la cathédrale des Doms et l'évêché, c'est un cafouillis total pour obtenir une véritable analyse des retombées du patrimoine sur l'économie locale.»
Ainsi parle Bernard Millet, directeur de l'Agence régionale du patrimoine Paca, ex-Agence pour le patrimoine antique, dont les attributions ont été étendues, au début de 2005, à l'ensemble des trésors de la région la plus touristique de France, soit pas moins de 2 184 monuments. Son rôle : devenir un observatoire des pratiques culturelles, afin d'adapter l'offre à la demande et de faire de ce domaine un authentique facteur de développement durable.
Enquête approfondie
La première tâche de l'Agence a été de se livrer à une enquête approfondie sur le sujet. Ce travail, jamais réalisé auparavant, étalé sur un an, a été accompli avec le concours du sociologue Hervé Passamar, de l'économiste Xavier Greffe, de la faculté d'Aix-Marseille-II et de l'Observatoire régional du tourisme de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Tous les acteurs du patrimoine ont été interrogés, des conservateurs et administrateurs de monuments aux élus en passant par les entreprises de restauration, les offices de tourisme...
Les conclusions sont plutôt consternantes. «Nous ne parvenons pas à obtenir le nombre des emplois tant les responsabilités sont diluées, ni le nombre des entrées payantes. Même sur les données les plus simples, sur la hausse ou la baisse de fréquentation d'un lieu, il est impossible d'avoir des chiffres, car dans les communes une quinzaine de services différents intervient sur le patrimoine et dans les conseils généraux, aucune information n'est disponible», dit Hervé Passamar. Quant à l'État, renchérit Bernard Millet, «lorsqu'il regarde le patrimoine, il ne s'intéresse qu'à son état sanitaire, aux travaux à y effectuer, et à rien d'autre».
La première démarche, comparer les coûts et les recettes du patrimoine, est trompeuse : le coût s'élève en effet à 100 millions d'euros, dont 27 millions sur les édifices protégés, 15 sur les autres et le reste en salaires, et les ressources directes ne s'élèvent qu'à 19,2 millions, dont 13,6 millions de billetterie.
Un moyen de développement durable
Mais le plus important n'est pas là : «Les emplois générés par le patrimoine dans la région tournent autour de 50 000, poursuit le rapport, soit 3 000 emplois directs (fonctionnaires, guides, gardiens), 28 000 emplois indirects dont 1 750 dans la restauration des monuments et 27 000 dans les emplois touristiques liés au patrimoine, et 18 000 emplois induits (communication, édition, etc.).»
Ce qui amène à 1,275 milliard d'euros la recette globale du tourisme «culturel», directement lié au patrimoine de la région Paca – pour 2 à 2,5 millions de visiteurs annuels – auxquels s'ajoutent les 37,6 millions d'euros de chiffre d'affaires des entreprises de restauration des monuments historiques.
Conclusion de cet énorme travail : «ll faut changer le regard qu'on porte sur le patrimoine qui n'est pas un objet mais un moyen de développement du territoire, dit M. Pasamar. Nous sommes là dans une logique de développement durable. Notre démarche d'analyse économique s'inscrit dans la double nécessité d'améliorer l'action publique et de professionnaliser les acteurs intervenant dans le champ du patrimoine.» A cela s'ajoute la dimension environnementale. Afin de montrer les dégâts de l'urbanisation sauvage, l'agence vient de lancer une grande campagne photo sur le thème «monument-paysage».
L'expérience de Paca s'étend en effet : un projet de réflexion sur la gestion du patrimoine à l'échelle du territoire a été déposé auprès de la Commission européenne en commun avec l'université de Séville, la Fondation Marcovaldo de Turin et la Fondation maltaise Oïkos. Et en France, l'agence fait des émules. La Picardie est en train de se doter du même outil et Midi-Pyrénées et la Bretagne ont un projet à l'étude. |